Financement patrimonial : Notre-Dame de Paris et le désert français Abonnés
Avec cet embrasement, la France a soudainement pris conscience de l'état, de la fragilité mais également de la richesse de son patrimoine religieux. En effet, les édifices religieux sont prépondérants dans l'ensemble du patrimoine culturel français puisqu'ils représentent environ 34 % du patrimoine protégé au titre des monuments historiques. Si ce patrimoine présente une grande diversité (en termes d'âge, de taille, d'état, de fréquentation), il est très largement sous-entretenu, voire même dans certains cas à l'abandon. L'Observatoire du patrimoine religieux estime que sur environ 72 800 édifices religieux recensés à ce jour par cette association (dont environ 42 300 églises et cathédrales), 500 sont gravement menacés et 5 000 se trouvent "en souffrance". Il faut rappeler que depuis la loi de séparation des églises et de l'État du 9 décembre 1905, l'État est certes propriétaire de la majorité des cathédrales mais l'essentiel des églises et du patrimoine religieux français appartient aux communes. Or, les moyens consacrés par les communes à l'entretien et à la restauration de ce patrimoine sont bien souvent très insuffisants, ou seulement débloqués en cas d'extrême urgence.
A ce titre, la décision de certaines communes ou collectivités d'effectuer des dons pour la reconstruction de Notre-Dame est souvent mal perçue par les associations et les bénévoles qui œuvrent localement pour entretenir leur patrimoine et trouver des financements. Cette initiative a relancé le débat sur la centralisation de la culture et la concentration médiatique sur des bâtiments emblématiques en occultant l'état désastreux de certaines églises communales.
Le déséquilibre est ainsi flagrant entre les milliards d'euros de dons dont devrait bénéficier Notre-Dame face au maigre soutien financier de l'Etat : 116 millions d'euros consacrés en 2017 aux édifices religieux classés ou inscrits (essentiellement les cathédrales et édifices religieux protégés au titre de monuments historiques) et la création en 2018 d'un "fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques situés dans les communes à faible ressources" doté de 15 millions d'euros seulement. Le projet de loi pour la restauration et la conservation de Notre-Dame, dont l'examen commence ces jours-ci à l'Assemblée Nationale, devrait être l'occasion d'une prise de conscience globale sur l'état du patrimoine religieux français et, espérons-le, d'une démarche politique audacieuse visant à rediriger l'excédent des sommes record déjà récoltées et celles à venir de la souscription nationale au profit de Notre-Dame vers d'autres églises ou sites en péril.
Romain Boisset le 02 mai 2019 - n°235 de Communes et Associations
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